Les cyniques dans le monde de l’information parlent d’un ratio « mort/km » qui globalement signifie que l’intérêt d’une info dépend de la distance (plus c’est loin moins ça captive l’audience) et du nombre de morts (qui détermine l’échelle dramatique).
Il est probable que le Covid-19 a tué nettement moins de gens que l’invasion russe de l’Ukraine, mais quand on compare l’engouement pour l’information en 2020 au temps du Covid et celle qui prévaut depuis le 24 février dernier, jour du déclenchement de « l’opération militaire spéciale », on est clairement dans une autre dimension. Le Covid était à nos portes, l’Ukraine c’est plus loin. Comment arrive-t-on à ce diagnostic de moindre intérêt ?
Là où il est possible de suivre au jour le jour les habitudes de consommation des médias, c’est-à-dire en télévision et sur Internet, nous avons compilé les toutes dernières informations disponibles (jusqu’au 19 avril pour Internet et 20 avril pour la TV). En télévision, le point d’entrée est la typologie « general news » et la durée de vision par individu. Comme le montrent les graphiques, la courbe de vision de l’année 2020 a très nettement décollé dès la semaine 11 (mi-mars 2020) avec le premier confinement. Elle est restée à de hauts niveaux par la suite . A part au cours des premières semaines de 2021, l’intérêt pour les news en télévision est généralement resté en deçà de la première année Covid.
Aujourd’hui (2022), avec une moyenne de respectivement 18 et 16 minutes de vision au Nord et Sud au cours des 7 derniers jours disponibles, on se situe très en-deçà des sommets de 47 voire 65 minutes atteints respectivement dans le Nord et le Sud aux pires moments de la crise Covid. On est même en-dessous de 2021.
Pour Internet, notre base est l’audience nette de plus d’une vingtaine de sites et d’applications estampillées « news ». Ici aussi la crise Covid a boosté les audiences sur pratiquement toute l’année 2020, et la suivante s’est traduite par des niveaux généralement plus bas. En 2022, la semaine qui a suivi immédiatement l’invasion de l’Ukraine semble avoir eu un petit effet de boost sur la consommation de news en ligne, particulièrement du côté francophone, mais l’intérêt s’est depuis fortement dissipé.
Pour trouver des traces de la crise ukrainienne, il faut donc utiliser d’autres sources. Celle du moral des consommateurs, que nous avons exploitée il y a quelques semaines, en est une. Et elle traduit une vraie crise.
Rédaction : MM.