Seen from Space : Exposition forcée à la pub en vidéo en ligne, attention aux échappatoires

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L’annonce est maintenant bien connue : fin septembre, Telenet désactivera la possibilité d’avance rapide sur les séquences publicitaires des programmes vus en différé, en tout cas pour les chaînes que l’opérateur détient et pour celles de DPG Media, ce qui représente évidemment la majeure partie de l’offre de TV commerciale en Flandre.

On annonce en outre l’introduction de pré-rolls d’une minute toujours en « non skippable » pour chaque programme enregistré. Le contexte pèse lourd : la publicité à la télévision fait l’objet d’un engouement particulièrement important des annonceurs (+49% sur le premier semestre 2021 par rapport à l’année précédente et encore +12% comparé à 2019). Or pendant ce temps, l’engouement des téléspectateurs pour la vision différée ne se dément pas, comme le montre notre premier graphique.

Résultat : en dépit d’une forte charge publicitaire, les chaînes TV peinent à fournir les performances attendues par les annonceurs. Il faut dire qu’on parle de sérieuses pertes : si 20% de l’audience proche d’un écran publicitaire disparaît du fait du zapping en live, c’est 64% qui disparaît suite à l’avance rapide en différé. Du moins pour les 18-54 ans dans le Nord, car les pertes sont moins importantes chez les francophones : le zapping en live les prive les audiences pubs de 13% et on y note par ailleurs 45% d’évasion en différé. Bref, en différé, la vision de la publicité est fort malmenée et cette disparition de potentiel d’audience compromet lourdement les revenus des chaînes concernées.

D’où l’idée d’étendre au « replay » l’exposition forcée qui est le propre de la télévision linéaire et de certaines offres AVOD. On peut estimer à 17% l’accroissement d’inventaire que représente cette mesure pour les chaînes concernées (cible 18-54 ans). Estimation réalisée « toutes choses étant égales par ailleurs », c’est-à-dire en se basant sur un comportement inchangé de la part du téléspectateur. Or, c’est là que l’on se heurte aux limites du projet.

Bien sûr, les chaînes DPG Media et SBS constituent l’essentiel de l’offre de télévision commerciale en Flandre. Mais, toujours en Flandre, Telenet est majoritaire parmi les fournisseurs d’accès, mais pas hégémonique. C’est là qu’intervient notre second graphique. En supposant que le panel actuel utilisé pour la mesure de l’audience TV soit correct par rapport à la répartition des fournisseurs d’accès, un peu moins de 56% de ses membres sont actuellement directement concernés par l’annonce faite. Ils sont en effet répertoriés comme disposant d’au moins un décodeur Telenet avec possibilité d’enregistrement. Même au niveau des fournisseurs d’accès, cela veut dire qu’il y a une concurrence possible. Or, celle-ci a annoncé son intention de rejoindre la manière Telenet de brider les capacités des décodeurs, mais il n’y a pas de calendrier précisé pour cela. Bref, pendant un laps de temps non défini, cela pourrait être « open bar » pour des fournisseurs d’accès qui ne brideraient pas leurs propres boîtes. Bien sûr, cela ne videra pas Telenet de tous ses abonnés, mais cela pourrait compromettre une partie du supplément d’audience attendu.

Voo n’ayant pas manifesté beaucoup d’enthousiasme pour la formule, on voit mal Proximus se hâter pour rejoindre la politique Telenet, car cela exposerait les abonnés à l’ex-Belgacom à une féroce concurrence dans le Sud du pays. Enfin, quand la politique de l’exposition forcée à la publicité en replay se sera imposée partout (ce qui ne devrait pas arriver tout de suite) restera alors la solide concurrence des prestataires SVOD et la tentation du « cord cutting », soit le renoncement au câble TV pour le seul accès Internet. Pour perspective, 51% des flamands âgés de 16 à 64 ans interrogés au premier trimestre 2021 par le Global Web Index ont déclaré avoir regardé Netflix au cours du mois écoulé (proportion de près de 58% chez les francophones)…

Bref, il y a aujourd’hui des échappatoires à la politique d’exposition forcée et il y en aura encore demain. Dans cette optique, le cavalier seul de Telenet apparaît comme un pari assez risqué. L’urgence aurait selon nous plutôt été de produire les données d’audience « ATAWAD » (« any time anywhere any device ») qui sont bel et bien annoncées dans la note de vision élaborée par VIA, mais là aussi sans timing précis. Il est en effet important de montrer les trajets des téléspectateurs qui quittent le grand écran pour consommer à leur rythme des contenus de programmes sur d’autres écrans. Ceux-là ont aussi des contacts -pas nécessairement forcés- avec la publicité et pourraient donc aussi renforcer les inventaires des chaînes commerciales.

Rédaction : MM.