Ce 23 novembre, 170 spécialistes des médias se sont réunis pour en apprendre plus sur l’évolution des études continues du Centre d’Information sur les Médias (CIM), ainsi que les projets pour faire face aux défis posés par la digitalisation et la fragmentation des audiences. Après une vidéo de présentation des nouveaux bureaux et de la mission du CIM par le président Stefan Lameire, les modérateurs Christine Brone et Alessandro Papa ont animé une série de conversations sous forme de ping-pong de questions-réponses avec les experts du CIM.
L’évolution rapide des médias confronte l’industrie à des défis et opportunités, avec une nécessité d’adaptation aux changements rapides des habitudes de consommation de contenu. Le CIM évolue en réponse à ces mutations, adoptant une approche centrée sur le consommateur qui met l’accent sur le cross-média, le digital et la data pour suivre les nouveaux modèles de consommation. Cette transformation génère deux défis majeurs : la séparation croissante entre contenu et publicité et l’inégalité entre acteurs locaux et internationaux compliquent l’obtention de données précises.
La collaboration renforcée entre médias, annonceurs et agences devient cruciale pour obtenir une vision exhaustive de l’utilisation des médias et du reach publicitaire, en exploitant la puissance du réseau de membres du CIM. Des initiatives telles que le projet de la World Federation of Advertisers (WFA) et le Vlaamse Crossmediale Consortium (XMC) ouvrent la voie à une mesure plus précise, tout en garantissant la vie privée des utilisateur·rices.
Pour maintenir son statut de référence sur le marché, le CIM doit assurer la transparence par la normalisation, validation et certification des données, jouant également un rôle d’auditeur pour les nouvelles solutions. La création d’une population virtuelle devient cruciale pour décrire le parcours consommateur à travers les médias. Elle s’appuiera sur les modèles existants dans les études OOH et Internet du CIM.
Engagé dans une transformation cruciale, le CIM revoit également son organisation en réduisant son organe d’administration, renforçant les comités stratégiques, adoptant une approche orientée projets pour gagner en efficacité, réactivité et innovation.
Radio Streaming Monitor – Stephanie Piret, Jo Snoeckx & Gaetan Doucy
Les défis à relever pour la mesure audio digitale sont grands et l’étude Radio Streaming Monitor est en pleine évolution pour y répondre. « Les audiences sont fragmentées entre écoute en live et en différé, mais aussi sur différents supports (application, navigateur, web radios…) qui sont bien souvent des players internationaux – ce qui rend l’accès aux données et profils d’écoute parfois difficile », explique Stephanie Piret, Research Analyst chez Omnicom Media Group et présidente de la Commission Technique Radio du CIM.
Gaëtan Doucy, Audio Manager chez Mindshare, ajoute : « Aujourd’hui, l’étude est utilisée comme un moniteur. L’essentiel pour les agences est de comprendre et utiliser la data afin de pouvoir dégager des potentielles audiences. À terme, le but est de faire du Radio Streaming Monitor un outil de planning. »
Jo Snoeckx, Head of CI Audio chez DPG Media, explique qu’on observe des tendances similaires dans la radio traditionnelle et l’audio digital : « Le clivage semaine/week-end est présent des deux côtés. Mais la courbe d’écoute est répartie différemment sur la journée – on écoute plus la radio le matin dans la voiture, mais on streame du contenu tout au long de la journée et le soir. Nous avons pour objectif d’augmenter la granularité de nos données en mesurant de manière fiable des très petits phénomènes digitaux, ce qui permettra un meilleur profiling des auditeur·rices. »
À terme, le RSM veut également intégrer les podcasts à ses mesures, en commençant par ceux des marques radios, puis en ajoutant des podcasts natifs.
Out-of-Home Renewal – Veerle Colin & Jos Van Campenhout
« L’étude Out of Home s’inscrit dans la vision cross-média du CIM, car elle porte sur une combinaison d’écrans publicitaires digitaux ou non dans la rue, le métro, le bus, le retail… », explique Veerle Colin, Directrice Marketing de JCDecaux. Elle a pour mission d’établir la Visibility Adjusted Contacts (VAC) d’une campagne OOH, qui permet d’offrir une currency aux annonceurs. « Nous utilisons une base de données représentant une population virtuelle de la Belgique, qui nous permet de définir quelles affiches sont consultées et par combien de gens sur une route définie », ajoute Veerle Colin.
« La première étape est d’établir le reach net, c’est-à-dire combien de personnes visitent un lieu défini, par exemple un centre commercial. Ensuite, nous connectons ces résultats avec la base de données du CIM, créé sur base des déclarations des déplacements et intentions d’achat de consommateur·rices. Nous déterminons ainsi le VAC pour chaque écran », raconte Jos Van Campenhout, Managing Partner chez Outsight. L’étude est réalisée par JCDecaux, puis auditée par le CIM.
Veerle Colin est très claire : « Nous évoluons en direction de plus de granularité et de flexibilité dans l’achat. » Le CIM prévoit également d’enrichir son offre avec l’ajout d’IDS 2, un nouvel outil de reporting pour le programmatique.
Belgian Publishing Survey/MediaWatch – Ilse Peeters, Bernard Cools & Lauranne Van Cutsem
L’étude presse du CIM ne fait pas que dans le papier ! Une évolution nécessaire de la Belgian Publishing Survey pour avoir une vue globale de l’influence des marques médias. Le lectorat se trouve toujours dans le journal papier, mais aussi sur sa version digitale et dans les formats non-read (podcast, vidéo…) publiés par les médias sur les réseaux sociaux. Ilse Peeters, Audience Research Manager chez DPG Media le résume parfaitement : « Lire aujourd’hui, c’est plus que simplement sur papier. Nous voulons une vision Total Brand. »
« La clé se trouve dans la synergie avec les autres études du CIM », ajoute Lauranne Van Cutsem, Marketing Researcher chez Mediafin. « Les données non-read sont injectées depuis l’étude Internet », explique Bernard Cools, CEO de Space. « Nous utilisons MediaWatch pour le recrutement de répondant·es mais nous évitons d’être trop gourmands. Pour cette étude, seulement 22% des données en viennent. » Selon Ilse Peeters, le plus grand défi du BPS est « d’améliorer la data dans les limites du financièrement possible et de garantir la stabilité des résultats, car le changement de méthodologie doit rester dans la continuité des éditions précédentes ».
Tova – Remi Boel, Tim Van Doorslaer & Lise Renard/Laurie Tchaoussoglou
Selon l’équipe qui le développe, Tova est un « outil magique », car il permet de combiner de la data venant de l’online video et de la télévision en une seule métrique – une opération plus complexe au vu de la diversité des environnements online video. Pour l’instant limité à YouTube, il sert d’outil de videoplanning permettant de voir en même temps le potentiel de players locaux et globaux, afin de trouver le mélange idéal d’online video et de télévision pour une campagne efficace. Les inventaires VOD des chaînes locales doivent encore être intégrées à l’étude, tout comme les télévisions connectées, ainsi que de la data first-party.
« Le standard dans la télévision est que la moitié du spot publicitaire doit être regardé pour que la vue soit comptabilisée. Pour la vidéo en ligne, la définition est beaucoup plus variable, notamment avec les pubs skippable et non-skippable. Nous avons fait en sorte d’adapter les définitions venues de la télévision aux environnements vidéo digitaux. Nous avons également pu mesurer l’attention à suivant réellement les yeux des internautes », explique Tim Van Doorslaer, Head Of Research chez DPG media.
Pour l’instant limité à YouTube, il sert d’outil de videoplanning permettant de voir en même temps le potentiel de players locaux et globaux, afin de trouver le mélange idéal d’online video et de télévision pour une campagne efficace. Les inventaires VOD des chaînes locales doivent encore être intégrées à l’étude, tout comme les télévisions connectées, ainsi que de la data first-party.
Remi Boel, Strategic Director chez OMD : « Tova aide à déterminer la Total Video Strategy, en faisant des recommandations pour le videoplanning grâce à des insights se basant sur des études. »
Why digital audience measurement needs to know how to walk to run further – Sascha Van Der Borght
Après les présentations, Sascha Van Der Borght, CMO de Publicis Groupe Belgium, a délivré un keynote sur un sujet brûlant du monde publicitaire : la fin des cookies tiers. « Nous avons tendance à oublier qu’il y a des humains derrière les chiffres. Les cookies posaient de nombreux problèmes de gestion des données, mais nous n’avons pas forcément besoin d’eux. C’est une opportunité d’utiliser une data qui représente réellement les gens », affirme-t-il avec conviction. « Des travaux de recherche plus récents mettent en évidence trois dynamiques susceptibles de contribuer fonctionnement problématique des segments de données de tiers. En effet, les segments de données prêts à l’emploi ne sont pas plus performants que la prospection aléatoire, et ce pour trois raisons. Il s’agit de la fragmentation de l’identité (informations limitées liées à un identifiant au sein d’une certaine plateforme et problèmes de correspondance), de l’empreinte numérique des utilisateur·rices (par exemple, le blocage des publicités) et du fait que les données collectées ne sont pas représentatives du profil réel de la personne en question en fonction de la marque. »
Dans cette phase provisoire, tout le monde recherche des alternatives et la first-party data s’impose comme la solution. Toutefois, rien ne garantit que des lois sur la vie privée ne les rendront pas inutilisables. « Ce dont nous avons besoin avant tout, c’est d’esprit critique face aux données. Il ne suffit pas d’optimiser un outil de médiaplanning pour faire une campagne qui marche. » Sascha Van Der Borght propose aussi d’autres pistes : combiner les currencies, créer un standard pour la métrique de l’attention, systématiquement vérifier les données.
Sascha Van Der Borght : « Le plus grand investissement des marketeers doit être la first-party data. Pour le moment, sa qualité est bonne mais elle est distribuée inégalement. On possède surtout des informations sur les acheteur·euses fréquent·es et moins sur les acheteur·euses occasionnel·les – mais on a plus à gagner à cibler ce second groupe. Peut-être qu’il faut optimiser le reach plutôt que de se concentrer sur les conversions. »
What’s next – Koenraad Deridder
Récemment appointé Directeur du CIM, Koenraad Deridder a conclu l’événement : « La façon de travailler dans les agences est mise sous pression par les trois ‘P’ : People, les gens ne veulent plus voir de publicité ; Policies, les lois pour la vie privée ; Platforms, les géants d’internet qui ont peu de transparence dans leurs données. La solution se trouve dans des Joint Industry Committees comme le CIM et dans des partenariats comme celui qui nous avons avec le Media Rating Council aux États-Unis, qui nous permet d’auditer et de certifier des données. »
Aux problématiques engendrées la digitalisation, Koenraad Deridder répond par une réorganisation du CIM avec un plus petit organe d’administration qui facilitera la prise de décisions, mais aussi par un nouveau design unique et cross-média pour toutes les études du CIM. Sofie Rutgeerts, Manager TV & Digital Research au CIM, explique : « Pour l’instant, les études sont cloisonnées, mais nous voulons utiliser une approche modulaire et hybride (voir photo, ndlr). »
Michaël Debels, Research Director au CIM, poursuit : « Le cœur du système sera dans l’utilisation d’un panel unique. Bien sûr, il ne pourra pas tout mesurer et il faudra compléter l’information par une approche hybride laissant la place à des études, des informations granulaires et des métadonnées pour identifier les contenus. »
Le CIM entend inverser sa manière de pensée, jusque-là media-centric, pour aller vers une approche consumer-centric. Ainsi, la création de nouvelles études se fera sur base de données inexploitées récoltées dans le panel. Le projet de refonte, bien qu’essentiel à la pérennité du CIM, s’annonce colossal : il sera implémenté graduellement jusqu’en 2026.