« On doit lire un minimum la même chose, sinon il n’y a plus de vie commune » – Les prévisions pour l’année à venir de CommPass

CommPass / MediaSpecs
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Avec 2020, nous avons atteint un horizon, mais les prédictions antérieures des médias se sont-elles avérées vraies ? Et qu’en est-il des attentes pour 2020 ?

Lors de la session CommPass du 14 janvier, sous la direction du modérateur Danny Devriendt (IPG Mediabrands), Chris Van Roey (UBA) pour les annonceurs, par Sylvie Irzi (UMA) pour les agences médias, par Karen Corrigan (ACC) pour les agences de communication, et par François le Hodey (IPM) pour les médias, ont dévoilé ce qu’ils ont lu dans leur boule de cristal.

Flashback : les prévisions de 2019

Dans un premier temps, Danny Devriendt a évalué les prédictions faites lors de la première édition de The Year Ahead en 2019. Que nous réservait l’année 2019 selon les avis de l’époque ?

  1. Une percée majeure pour la technologie vocale. « Tout le monde en a entendu parler. Un certain nombre de personnes l’utilise dans leur voiture et dans leur salon, elle n’est pas encore très utilisée dans l’entreprise elle-même », a expliqué Danny Devriendt.
  2. Vidéo : « Elle ne peut plus être ignorée dans notre histoire du marketing et de la communication, à la fois en termes de contenu et de publicité. »
  3. Les mouvements citoyens : « Si l’on regarde l’actualité de l’année écoulée, cette prédiction s’est également avérée correcte, bien que ces mouvements de citoyens aient eu très peu d’influence sur notre activité marketing et médiatique, à l’exception de quelques pics. »
  4. Personnalisation des messages : « La personnalisation fait partie intégrante de notre vie, qu’elle soit négative ou positive. Les juges de MM, PUB et MediaSpecs ont unanimement mis en avant cette tendance comme la meilleure prédiction de 2019. »

A quoi ressemblait le monde des médias en 2019 ?

« Nous avons eu une réorganisation difficile mais réussie », dit Chris Van Roey, le PDG de l’union des annonceurs de l’UBA.

« Au cours de la dernière année, nous avons perdu quelques gros budgets, mais contre tout attente nous avons réussi tout compenser et même plus », déclare Sylvie Irzi, PDG d’IPG Mediabrands et vice-présidente d’UMA, l’association des agences médias.

Pour Karen Corrigan, PDG de Happiness et vice-présidente de l’ACC, « un des grands moments a été la création de The Playground, un collectif créatif à Valence ».

François le Hodey, CEO d’IPM Group, était présent en tant que porte-parole des médias. « 2019, c’est l’année où la convergence est visible après 10 ans ».

Quels challenges pour 2020 ?

Selon Chris Van Roey, il y a un paradoxe dans le monde publicitaire de 2020, « la liberté d’expression commerciale s’oppose la réglementation » car, comme il le dit : « Je pense que les entreprises ont également des droits : si leur produit est autorisé sur le marché, nous devons également avoir la liberté de communiquer à son sujet. Mais il y a toujours un inconvénient : vous avez aussi une responsabilité en tant qu’annonceur. Nous en arrivons ensuite à l’autorégulation, où en Belgique, nous devons prendre notre responsabilité sociale plus au sérieux qu’aujourd’hui. En 2020, nous devons également investir davantage dans la construction de la marque et la réflexion à long terme. Dans le passé, on a trop mis l’accent sur le court terme et la conversion immédiate. »

L’un des grands défis du secteur médiatique est selon François le Hodey « la vulnérabilité de la technologie », précédée d’un virage numérique à long terme. « Je suis étonné qu’aujourd’hui 80% des conversations de notre groupe de médias soient de nature technologique. C’est incroyable. » François est également conscient qu’avec le passage complet au numérique, nous avons traversé une phase d’incertitude qui a provoqué des tensions. « La fragilité de la technologie ne doit pas se transformer en un stress négatif, mais en un stress d’innovation qui est la ‘startupisation’. En 2020, il faut donc accélérer la croissance du digital ».

« La créativité doit être redéfinie », dit Karen Corrigan à propos du monde de la communication. « Un mot si large, mais qu’est-ce qu’il signifie vraiment ? » Au départ, le secteur créatif parle d’idées créatives, mais cela va changer. « Cette partie de notre profession va devenir beaucoup plus petite et nous devrons utiliser la même créativité et les mêmes talents d’une manière beaucoup plus proche de la consultancy à partir de demain. Toute forme de créativité de Happiness devra prouver quelque part qu’elle a un multiplicateur économique ».

L’un des défis pour les agences médias en 2020 est le budget, qui est une question sérieuse. « Evidemment, il y a nos métiers de base : la gestion du budget », dit Sylvie Irzi. « Nous devons pouvoir garantir à nos clients que le million que nous allons dépenser là, il va lui permettre de rapport exactement ce que nous avions prévu dans le plan d’affaires il y a quelques mois. Vous choisissez comment vous allez investir cette somme mais vous êtes payé en fonction des résultats. Le plus gros challenge de nos jours c’est la guerre des talents, il y a des profils très doués et on ne peut pas passer à côté. Ces métiers de demain vont faire de nos sociétés une réussite ».

La personnalisation : la prédiction gagnante de 2019

La grande prédiction faite l’an dernier sur la personnalisation a fait couler beaucoup d’encre en 2019. Danny : « La personnalisation, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? »

« C’est une chose inévitable, mais les choses sont généralement cycliques », éclaire Karen Corrigan. « Il y a un grand et faux a priori sur la personnalisation. Il s’agit surtout de produits, de services et de solutions qui doivent évidemment être personnalisés, mais est-ce pour cela que la publicité doit être personnalisée ? D’ici cinq ans – et Gartner l’a confirmé – 80 % des annonceurs cesseront la personnalisation. Pour des raisons de protection de la vie privée, mais surtout en raison de la difficulté non seulement d’intégrer ces données, mais aussi de les conserver, d’en faire quelque chose et d’en tirer des enseignements. »

Chris Van Roey est convaincu de l’utilité du targeting, mais il doute en revanche de la nécessité d’une publicité personnalisée. En outre, les règles de protection de la vie privée doivent bien entendu être respectées. « La Commission européenne parle même de réécrire complètement le règlement sur la vie privée en ligne en repartant de zéro, ce qui nous amènerait jusqu’en 2024. »

Trouver l’équilibre perdu, c’est ce que Sylvie Irzi voit dans la personnalisation, mais via la ‘personalisation at scale’. « Ce qui nous intéresse vraiment, c’est de faire de la ‘personalisation at scale’. Ce qui est en place aujourd’hui c’est l’architecture qui est nécessaire pour pouvoir faire exactement ce qu’on. » En plus de l’architecture, les données nécessaires sont également disponibles. « Avec ces données là, on commence à scratcher la surface de ce qu’on parle. Les plus avancés, ce sont les annonceurs : on a un certain nombre d’annonceurs qui ont en ce moment scratché la surface de la compréhension de ces données et qui ont fait des investissements justes pour aller installer l’infrastructure qui va leur permettre d’opérationnaliser avec des datas scientistes à un certain nombres de choses. ». Mais transformer ces données disponibles en transformation numérique dans la pratique est une autre affaire. Mais Sylvie Irzi est pleine d’espoir, car tout le monde commence à comprendre comment ces ‘codes’ et ces algorithmes numériques fonctionnent, et comment les choses fonctionnent dans les sociétés digitales comme Amazon, CoolBlue et Bol.com. « Avec ces codes-là on va voir une rebalance dans le sens positif du local, du régional et du global qui vont reprendre sa place par rapport à toutes ces boites globales et qui ont pris trop de place ces derniers temps ».

François le Hodey, quant à lui, aborde dans un premier temps la notion de personnalisation depuis le point de vue du lecteur. Il faut produire du contenu spécifique, local, pour chacun des lecteurs, tout en l’accompagnant d’information généraliste. « On veut lire ce qui fait partie de nos centres d’intérêt mais il faut quand même qu’on lise tous un minimum la même chose ». Un équilibre est nécessaire entre ces deux types de contenus. Ensuite, François estime que les spécialistes du digital sont brillants, ils savent ce qu’ils font, mais, selon lui, « la personnalisation, ce n’est pas cela. Ce n’est pas le marketing, c’est le process ». En permettant à chacun de gérer son propre compte, ses propres assurances, « on a simplifié la vie du process pas du marketing ».

Dépenses médiatiques en 2020

Bernard Cools, Chief Intelligence Officer chez Space : « Que pouvons-nous lire dans notre boule de cristal concernant les dépenses des médias dans notre pays en 2020 ? » Selon lui, 2020 peut être décrit comme une année relativement stable. Dentsu Aegis Network prévoit une croissance globale de 1,3%, alors que selon GroupM la situation actuelle resterait relativement stable (-0,3%) et IPG Mediabrands voit les dépenses médias dans notre pays chuter de 2,2%.

Il n’est pas surprenant que les dépenses liées aux magazines et aux quotidiens soient en recul alors que celles concernant les médias numériques augmentent fortement. Les annonceurs investiraient également un peu plus dans la radio en 2020. En revanche, les opinions sont plus partagées concernant le OOH et la télévision.

En tout état de cause, la part du numérique continue d’augmenter. Selon GroupM, en 2024, elle pourrait même ravir la première place occupée aujourd’hui par la télévision en termes de dépenses médias. « Nous sommes donc à l’aube d’un tipping point », conclut Bernard Cools.

Prévisions pour 2020

Et puis le moment suprême est arrivé : le moment de prédire ce qui occupera le monde des médias en 2020.

Sylvie Irzi estime que l’on va assister à « un rééquilibrage entre les différentes économies et les GAFA », c’est-à-dire qu’un certain équilibre devrait être trouvé entre les GAFA et les acteurs des médias locaux.

Selon Chris Van Roey, en 2020, nous devons faire attention à notre dépendance et à la vulnérabilité de la technologie : « Il suffit de regarder ce qui s’est passé à Picanol. Nous avons construit nos vies autour de la technologie et je pense que nous ne pensons plus à sa vulnérabilité. » Le site web de l’UBA a également été récemment victime d’une tentative de piratage.

Par ailleurs, Chris voit une forte croissance pour les formes non linéaires de vidéo. « La télévision linéaire va être durement touchée cette année en faveur de tous les types de vidéo à la demande. La VOD, y compris l’e-sport et autres, surpassera la télévision linéaire en termes d’utilisation des médias – si le CIM peut le mesurer bien sûr. »

François le Hodey : « Ma grande frustration est que les annonceurs ne puissent pas faire bon usage de notre audience. C’est pourquoi nous devons accorder une attention particulière aux « médias » en tant que marque pour les annonceurs. Nos médias locaux sont un produit solide à partir duquel nous pouvons convaincre les agences et les annonceurs. »

Karen Corrigan voit, quant à elle, une tendance « human-centricity » pour 2020. « Dans tout ce que nous faisons, les plans média, les données, les produits et les services, la politique, etc. ceux qui resteront centrés sur l’homme plutôt que sur le client seront les gagnants. »

Maintenant, nous attendons la prochaine évaluation de CommPass en 2021 pour observer si ces déclarations s’avèreront correctes ou non. Etonnement, personne n’a mentionné les algorithmes et l’intelligence artificielle. De plus, la domination des GAFA n’a été que brièvement évoquée. We shall see.